L’union Associative AUSIRIS qui regroupe les associations COSTE, SAMUEL VINCENT, ANCA, CPEAGL organise le 22 novembre 2019, son séminaire de rentrée à Nîmes dans l’amphithéâtre de Carré d’Art.
Après une séance de travail (interne) le matin autour de la recherche en matière de protection de l’enfance et du travail accompli par son laboratoire de recherche « le LAB », Ausiris propose une conférence table-ronde, ouverte au public à partir de 14h00 dans l’amphithéâtre de Carré d’Art.
Cette table ronde sera animée par le journaliste Jean KOUCHNIER. Elle abordera le thème de « la parole de l’enfant » et ceci dans le cadre du 30ième anniversaire de la convention des droits de l’enfant.
Parmi les invités, l’avocat international Francois ROUX dont Midi libre a retracé le parcours dans son édition du dimanche 27 octobre 2019 (ci-après)
Attention : pour la conférence de l’après-midi, le nombre de places est limité.
François ROUX
L’avocat montpelliérain de José Bové ou encore de Hutus rwandais raconte ses procès d’hier et sa vision passionnée de la justice internationale.
Propos recueillis par Catherine UNAC cunac@midilibre.com
Il y a vingt ans, vous avez défendu José Bové, des Hutus accusés de génocide au Rwanda, puis Duch, le tortionnaire Khmer rouge du Camp S21, et beaucoup d’autres : ce sont des dossiers très différents, quel a été le déclencheur de votre engagement à chaque fois ?
La notion de justice essentiellement, elle est au cœur de mon métier, de mon engagement. Avec la notion des droits de l’homme. J’avais dit à Duch : « Je vous quitte maintenant pour défendre des gens qui ont fait de la désobéissance civile, c’est-à-dire des gens qui ont désobéi à la loi, et quand je suis avec vous, je suis avec quelqu’un qui a été soumis à la loi, même injuste. » Dans la justice pénale internationale, ce sont souvent des cas de personnes qui ont commis des crimes atroces en obéissant à des ordres injustes.
José Bové a été un chantre de la désobéissance civile…
Pour moi, Bové s’inscrivait dans une longue tradition de défense des objecteurs de conscience et de ceux qui pratiquaient la désobéissance civile non-violente, et j’insiste sur le mot non-violence.
Aujourd’hui, la désobéissance civile est d’actualité : l’approuvez-vous toujours ?
Je me réjouis de ces jeunes qui se lancent dans la désobéissance civile mais celle telle que Gandhi l’avait conçue, c’est une désobéissance non-violente et jamais contre des personnes mais contre des injustices.
Que pensez-vous des décrocheurs de portraits de Macron alors ?
Je ne suis pas très à l’aise à voir la photo du président de la République retournée. Je comprends la motivation de leurs actions, mais je ne comprends pas que l’on s’en prenne à une personne ou à des institutions. Les personnes que j’ai défendues qui pratiquaient la désobéissance civile s’attaquaient à une loi injuste et toujours avec l’espoir d’un objectif atteignable. C’est différent que de s’attaquer à tout un système et à une autorité telle qu’elle soit. Je suis légitimiste mais je reste légaliste.
Cela veut dire que vous ne défendriez pas les “gilets jaunes” ?
Comme avocat, je pourrais les défendre mais je ne serais pas à l’aise sur la question de la violence. Sur le fonds – même s’il faut éviter de globaliser – et d’une manière générale sur ce qui a été revendiqué, y compris sur le fait de ne pas s’être désolidarisé des scènes de violences, en tant que citoyen, ça ne me convient pas. Ce qui m’a choqué, c’est la haine exprimée. On ne construit rien sur la haine, surtout pas une société démocratique. Il y a eu des élections, on a voté, on va attendre le tour suivant si l’on n’est pas satisfait. Ce qui n’empêche pas en tant que citoyen de protester, mais pas de là à vouloir renverser le système. Pour mettre quoi à la place ?
Quand on regarde les difficultés institutionnelles et démocratiques, on se dit qu’en France, on a des institutions qui marchent et qu’il faut protéger le système démocratique contre toutes les tentatives de le renverser.
Lors du procès de José Bové, vous aviez dit aux juges : « Vous le jugez aujourd’hui et demain, l’Histoire vous jugera »…
Les juges n’aimaient pas beaucoup quand je leur disais ça ! Je fais partie de ceux qui ont plaidé devant les juges : « Vous avez un pouvoir, vous ne pouvez pas aller frontalement contre la loi mais vous pouvez faire évoluer la loi. Ne vous contentez pas d’appliquer strictement et sottement la loi. »
Les causes que vous avez défendues ont-elles changé l’Histoire ?
En Polynésie, ceux qui luttaient contre les essais nucléaires, les indépendantistes de la Nouvelle-Calédonie, les faucheurs d’OGM ont gagné. Toutes ces causes étaient justes et l’Histoire leur a rendu justice.
Il y a vingt ans, vous aviez fait acquitter deux Hutus accusés d’avoir tué des Tutsis. On parle aujourd’hui d’une possible responsabilité de la France dans le génocide du Rwanda…
Nous avions très vite été convaincus de l’innocence de ces Hutus. C’était important de dire que tous n’étaient pas impliqués dans le génocide. Quant à la responsabilité de la France, je suis réservé. J’ai eu beaucoup de témoignages par des religieuses qui m’ont décrit tout ce que l’armée française a fait pour sauver des Tutsis.
Aujourd’hui, un conflit comme celui en Syrie va-t-il donner lieu à la création d’un tribunal pénal international ?
Il y aura un jour, c’est certain, un tribunal pour juger les horreurs de Bachar El Assad. Lui-même le sait. Une commission de l’ONU est chargée de faire des enquêtes. Les dossiers sont prêts. Des projets de statut ont été faits par des juristes. La justice internationale continue. C’est le cas en Centrafrique où un tribunal a été mis en place et où j’interviens pour former les avocats.
Vous aviez participé avec Stéhane Hessel à La fondation par tous, qui prône le dialogue et les actions de citoyenneté. Deux éléments fondamentaux pour préserver la paix ?
Certainement. Cela permet le compromis. Pas la compromission, c’est très différent !
Le compromis est-il possible avec des chefs d’État comme Trump ou Bolsonaro par exemple ?
Je crois fondamentalement à l’ONU, qui est un lieu de compromis. Car on a compris qu’on ne peut pas se faire la guerre en permanence. Et Trump ou Bolsonaro peuvent faire ce qu’ils veulent dans leur coin, ils appartiennent à un monde multiple et multilatéral !
La question du voile divise en France en ce moment ?
Nous n’avons pas cette culture du dialogue en France. On est vraiment un pays de Gaulois ! Quand est-ce qu’on va apprendre à s’asseoir autour de la table pour parler ? On n’est pas obligés de s’insulter, de se faire la guerre !
Vous êtes protestant. Sans cette foi, seriez-vous allé aussi loin dans vos engagements ?
La foi protestante est une foi du service et de l’engagement. Ma foi profonde, c’est l’humanité de tout homme. Quand je plaidais pour les objecteurs de conscience, un jour, la femme d’un pasteur m’a dit : « Tu as bien prêché. »
La religion ne peut-elle pas entraver la justice ?
Elle ne doit pas.
François Roux a publié plusieurs ouvrages dont le dernier en 2016, “Justice internationale, la parole est à la défense”, aux éditions Indigène.
13 mars 1951 :
naissance à Montpellier.
De 1976 à 1981 :
défense des paysans et ceux qui renvoyaient leur livret militaire en soutien aux agriculteurs du Larzac.
De 1981 à 1986 :
procès de restitution des terres aux paysans du Larzac.
De 1981 à 2009 :
défense des militants indépendantistes, de Jean-Marie Tjibaou.
De 1999 à 2009 :
procès du démontage du Mac Do et des faucheurs d’OGM.
De 1999 à 2009 :
tribunal pénal international pour le Rwanda. Défense de Hutus.
De 2007 à 2009 :
défense de Duch, tortionnaire khmer rouge du camp S21.
De 2009 à 2018 :
chef du bureau de la défense du tribunal spécial pour le Liban.